Comment les relations sentimentales ont-elles évolué pendant le premier confinement ?
Mardi 17 Mars 2020, après la Chine, l'Italie et l'Espagne, la France s'est retrouvée confinée. Pendant près d'un mois, les Français ont été contraints de rester chez eux afin de limiter la propagation du Covid-19. Cette crise a en peu de temps changé la vie de toute une population. Cette période, non propice aux rencontres, a obligé les personnes en couple, célibataires ou en flirt à réapprendre les notions de « manque » et d'« attente ». Quelles ont été les conséquences de cette pandémie sur la vie sentimentale des Français, notamment des lycéens ?
4,6 milliards. C’est le nombre de personnes qui ont été appelées à se confiner dans le monde. Pendant cette période, les relations sentimentales se sont comme mises en pause. Les célibataires ne peuvent plus draguer dehors. Les romances dans les couloirs du lycée ont cessé d'exister, plus de contacts directs avec les élèves de notre classe. Mais alors comment créer ou entretenir des relations sentimentales et même sociales ? Tout d'abord, lorsque nous avons fait nos recherches sur ce sujet, nous avons trouvé des articles avec des titres chocs tels que « l'amour à l'épreuve du confinement » dans lesquels on trouvait des témoignages de couples séparés de force par cet isolement ou encore d'autres gens qui vivaient un véritable enfer car ils ne supportaient plus leur conjoint... Mais le hic, c'est que ces personnes qui témoignaient avaient 59, 38 ou 24 ans, ce qui n'est pas représentatif de ce que nous, lycéens, avons vécu. Nous avons alors interviewé des élèves pour savoir comment leurs relations sentimentales ont évolué. Ce que nous pouvons constater, c'est que le confinement n'a pas eu un si grand impact sur la vie sentimentale des adolescents. Pour les personnes en couple que nous avons interrogées, le confinement n'a pas eu de grandes répercussions sur leur relation. En effet, pour les lycéens en couple, le confinement a mis leurs relations en « stand-by ». Selon d'autres, le fait de rester chez soi était certes « frustrant mais pas spécialement impactant » ou encore : « ça n'a pas changé spécialement ma situation actuelle ».
Remettre la notion de manque et de frustration dans les relations
Les premiers effets de cet isolement social que nous pouvons relever, c'est le manque et la frustration. D'après le Huffpost, lors du premier confinement, à défaut de se rencontrer immédiatement et d'avoir des relations courtes, beaucoup de personnes auraient découvert les bienfaits du manque et de la frustration. En effet, les personnes se rencontrant sur Internet lors de cette période ne pouvaient pas se voir en tête à tête ce qui nourrissait d'autant plus le sentiment de désir ; en apprenant à découvrir réellement l'autre, cela raréfie les histoires éphémères. Comme s’il avait fallu un confinement mondial pour faire prendre conscience à certains que le plaisir ne se trouvait pas forcément dans l’abondance de rencontres. Ce confinement les a extirpés de leur habitude selon laquelle il fallait « tout, tout de suite ». En résumé, le confinement a dû mettre en pause nos relations sentimentales ce qui a eu pour effet de reconsidérer les relations et parfois, d'avoir moins de partenaires qu'avant. D’après une étude réalisée par les entreprises Relate et Eharmony, le confinement aurait provoqué « l’accélération » de nombreuses relations amoureuses ; 63 % des personnes interrogées disent se sentir engagées dans une relation « plus solide » qu’auparavant, et presque autant (58 %) affirment « savoir qu’ils souhaitent être avec leur partenaire pour toujours ».
Après, tout est relatif, les relations sont toutes différentes et peuvent avoir des évolutions qui ne correspondent pas à cette description.
Les effets du confinement dans les relations amoureuses
Selon Barbara Rothmüller, sociologue et enseignante en pédagogie sexuelle qui a publié une étude sur « l'intimité et la relation sociale dans une période de distanciation physique », les relations intimes ont fortement évolué avec les mesures sanitaires et la distanciation physique. Mais pour beaucoup de couples, ce confinement a permis d'avoir des discussions plus longues et de se concentrer davantage sur leur relation. Ce confinement a permis aussi de mettre en lumière toute la pression due à la quantité de travail, et au stress qui serait la base des disputes dans les couples. Les relations sentimentales ne sont pas uniquement basées sur un système binaire, soit monogame ; il y a des relations polyamoureuses, relations ouvertes, des relations sexuelles sans engagement... Pour ces couples, la pandémie aurait rendu les multiples relations plus difficiles à entretenir et il y aurait une « monogamisation » des relations.
Capture d'écran du documentaire « Les relations amoureuses pendant le Covid-19 » diffusé sur Arte, 2020
D'après son étude, les jeunes, adolescents et jeunes adultes ont été particulièrement affectés sur le plan psycho-social pendant la pandémie. Même si la plupart ont essayé de vivre leurs relations intimes via le numérique, cela n’était pas suffisant car il est beaucoup moins facile de résoudre des conflits à distance que face à face. Pour les personnes qui vivent avec leurs parents, c'est-à-dire à peu près tous les lycéens, ils n’étaient pas toujours autorisés à voir leurs partenaires à cause de la crainte des parents de transmettre le virus.
L'enjeu des nouvelles technologies dans les relations
Avec le confinement, les relations sociales sont devenues plus connectées. Nous pouvons observer une nette augmentation des appels visio et des SMS ainsi que des appels téléphoniques plus fréquents. Les moyens de communication modernes ont été davantage utilisés et nos parents s’y sont initiés. Une telle communication aurait été impossible 30 ans avant. Ces nouvelles technologies nous ont permis d'entretenir nos relations aussi bien familiales que sentimentales. Nous pouvons aujourd'hui communiquer plus facilement avec nos proches de chez nous. Pour les lycéens, la pandémie leur a appris à communiquer sans se voir en tête à tête. Les nouvelles technologies ont permis aux couples de mieux supporter ce confinement.
Durant le confinement, de nombreux célibataires ont souffert de la solitude. Pour pallier à ce manque affectif, certains ont opté pour les rencontres en ligne. La recherche d'un partenaire a alors pris des allures de passe-temps. Des applis tels que « Tinder » ou « Happn » accessibles en un glissement de pouce ont battu leurs records d'adhésion. De nouvelles méthodes ont alors vu le jour, comme l'apparition des premiers rendez-vous en visioconférence. Selon un sondage interne révélé par Happn, plus de la moitié de leurs utilisateurs (54 %) seraient prêts à se voir pour la première fois derrière leurs écrans. Une option appréciée par les plus jeunes qui sont habitués à faire des appels en visio.
Mais ces applications de rencontre ne sont accessibles que pour les plus de 18 ans et tous les lycéens ne sont pas majeurs. Mais alors comment ont-ils fait leurs rencontres ? Si certains se sont rapprochés sur les réseaux sociaux, pour d'autres aucune nouvelle relation ne s’est développée durant cette période car ils n'ont pas ressenti le besoin de créer de nouvelles interactions. « Je pensais que ça ne durerait pas très longtemps », nous a confié une élève. Ou encore : « Niveau social, pas trop de rencontres par contre j'ai découvert plein de comptes sur Instagram, surtout des artistes ».
Sources : « Netflix : le boom du confinement est terminé », Statista, 21/10/20 et « Confinement: dans l'enfer des groupes familiaux sur WhatsApp », Challenges, 21/04/20
Nous pouvons voir sur ce premier graphique que le flux d'activité sur la célèbre plateforme de streaming Netflix a fortement augmenté lors du premier confinement et a fortement diminué après celui-ci. Cela nous montre que beaucoup plus de personnes ont consommé des films/séries lors de cette période et donc sont davantage connectées. Nous pouvons constater que les applis telles que Whatsapp ou Zoom se sont largement développées ce qui montre une envie de garder le contact avec les membres de la famille.
Post-confinement : comment vivre des relations amoureuses dans un monde où l'on ne peut pas se toucher ni se voir ?
Si durant cette période de confinement, notre train de vie a été plus tranquille, les relations amoureuses, elles, ont été largement bouleversées. En effet, d'après un sondage de 20 Minutes, 76% des jeunes de 18 à 30 ans considèrent qu'il est difficile de rencontrer quelqu'un en ce moment à cause du coronavirus. D'autant plus que le masque serait vu pour certains comme un tue-l’amour qui complique les relations amoureuses. En tout cas, c'est ce que nous dit la presse. Alors est-ce que les lycéens ont eu réellement plus de mal à faire des rencontres avec les mesures sanitaires mises en place telles que le port du masque ou encore l'hybridation des classes. Avec le déconfinement, beaucoup de couples qui se sont rencontrés virtuellement peuvent enfin se rencontrer même s’il y a toujours cette angoisse de transmettre le virus. D'un autre côté, l'isolement affectif et l'environnement anxiogène peuvent avoir des conséquences destructrices sur la santé psychologique de certains.
Avec le déconfinement, les relations sentimentales peuvent reprendre doucement. En effet, les rencontres peuvent de nouveau se faire en extérieur dans les lieux publics comme les parcs... mais très vite, on oublie la distanciation sociale. Avec la restriction du périmètre, les personnes ont fait un peu plus attention au monde qui les entoure et ont créé des romances à proximité de chez elles, comme par exemple des relations entre voisins.
L'enquête Vico
Douze chercheuses et chercheurs en sciences sociales ont mené en avril-mai 2020 une enquête sur « la vie en confinement » (Vico), à laquelle plus de 16 000 personnes ont participé. L'enquête a pour objectif de mieux comprendre les conséquences de la pandémie de Covid-19 sur la vie des français. Ce que nous pouvons comprendre tout d'abord, c'est que « la manifestation la plus basique [du] lien [social], à savoir l’interaction directe, en face-à-face, avec autrui, a été empêchée ». Les relations ont continué de persister mais ont été atténuées. Ce que nous pouvons tirer des témoignages de cette enquête, c'est que le confinement a été bénéfique pour certains : « cette période de confinement m'a fait le plus grand bien », écrit une femme de 32 ans ; mais que cette période a été pour beaucoup négative : « je souffre », « le temps est long ». On y parle aussi de violences domestiques. L'enquête met aussi l'accent sur les inégalités sociales dans la société française.
Ainsi, le confinement a permis à certaines relations sentimentales d'être plus solides même si on ressent comme une impression de pause dans les couples qui ne vivent pas ensemble. Pour ceux qui étaient seuls, Internet fut un très bon passe-temps et ce que nous pouvons retenir c'est que très peu ont créé de nouvelles relations. Avec le déconfinement, la vie reprend son cours et les relations se concrétisent.
Nous vous conseillons de lire le magasine L'OBS d’avril 2020 : « Ce qui marche ailleurs », notamment le témoignage d'une prostituée lors du confinement (disponible au CDI). Et aussi de regarder le podcast de Ben Névert « Nos amours en confinement -entre potes#2 » :
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