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Nous, Filles de Sparte : un livre profondément féministe

  • Sophie Ratajszczak
  • 8 avr.
  • 5 min de lecture
Couverture du livre de Claire Heywood, Nous, Filles de Sparte (Source : Fnac.com)
Couverture du livre de Claire Heywood, Nous, Filles de Sparte (Source : Fnac.com)

Aujourd’hui, je vais vous parler d’un livre qui m’a beaucoup touchée : Nous, Filles de Sparte de l’auteure britannique Claire Heywood. Je vais décrypter pour vous ce roman, qui est un savant mélange entre mythologie grecque et féminisme, et saura à coup sûr ravir tous les lecteurs !

 
Carte de la Grèce antique présentant les différentes alliances entre les cités (Source : Rivage de Bohême.fr)
Carte de la Grèce antique présentant les différentes alliances entre les cités (Source : Rivage de Bohême.fr)

Tout commence à Sparte : on y rencontre deux sœurs, Klytemnestre et Hélène, filles du roi de Sparte ; chacune d’entre elles sera donc très courtisée par les hommes, qui pourront ainsi devenir roi de Sparte à la mort du souverain actuel. Mais pour l’instant, ce sont deux petites filles qui filent la laine en compagnie de leur nourrice Thèkle. Cependant, on ressent déjà une rivalité entre Hélène et Klytemnestre : Hélène est jalouse du physique apparement « plus avantageux » de sa sœur. Mais on remarque également une obsession du mariage, et toute leur éducation est centrée sur leur futur « rôle » de femme mariée et de mère. Hélène apprend alors qu’elle n’est pas la fille légitime du roi, mais la fille de Zeus et de la reine Léda.

Les jeunes filles voient le mariage comme un devoir au lieu d’un plaisir ; il est clairement dit dès les premiers chapitres qu’Hélène aime « l’idée » du mariage, mais est bien loin de la réalité de l’évènement. On perçoit une forte résignation des personnages féminins du roman vis-à-vis du patriarcat et du sexisme qui leur est infligé. Une grande nouvelle est annoncée : Klytemnestre, qui a seulement 15 ans, va se marier avec Agamemnon, le roi de la cité de Mycènes, qu’elle n’a jamais rencontré et qui est bien plus vieux qu’elle. Malheureusement, il était fréquent à l’époque, et encore aujourd’hui dans certains pays, d’arranger un mariage dans le but de se trouver des alliés et de renforcer le pouvoir des deux familles. Les jeunes filles n’ont pas le choix. Agamemnon n’est pas vraiment respectueux avec Klytemnestre, il la regarde « comme un bout de viande » et ne pense qu’à consommer le mariage.

Deux ans plus tard, c’est le tour d’Hélène, qui va se marier avec Ménélas, le frère d’Agamemnon. Une contrainte du patriarcat apparaît : la limitation des déplacements des femmes, qui n’est rien d’autre qu’une pure et simple entrave physique.


Tout au long du roman, on découvre leur vie stéréotypée : enfantements, tromperie de la part du mari, jalousies, conflits intérieurs, désir de plaire malgré tout, meurtres…

Dans le livre, l’enlèvement d’Hélène par le Troyen Pâris n’est pas un enlèvement, mais un départ volontaire d’Hélène qui voit en Pâris un homme idéal – doux, attentionné et à l’écoute de ses besoins et envies –, mais c’est la thèse de l’enlèvement qui déclenche une guerre entre la cité de Mycènes accompagnée par toute la Grèce et la cité de Troie. Comment nos deux héroïnes vont-elle vivre, ou plutôt survivre, durant ce long conflit, cette guerre d’hommes purement cupides ? Arriveront-elles à se libérer de leurs chaînes, à s’émanciper, à trouver le véritable bonheur ?


La démasculinisation de la mythologie

Illustration du cheval de Troie qui aurait permis aux Troyens de s’emparer de la cité de Mycènes (Source : gettyimages ; Crédit : ilbusca)
Illustration du cheval de Troie qui aurait permis aux Troyens de s’emparer de la cité de Mycènes (Source : gettyimages ; Crédit : ilbusca)

Le choix de l’auteure de réécrire ce mythe grec célèbre sous l’angle du féminisme est très intéressant. En effet, dans l’histoire, le rôle des femmes est bien souvent minimisé, voire même effacé. Cependant, la cité de Sparte faisait figure d’« exception » dans le monde antique : les femmes recevaient une éducation comprenant également du sport, et pouvaient dans certains cas gérer de l’argent. Mais le sport leur était dispensé dans la seule croyance qu’une femme forte ferait des enfants forts eux aussi. Il ne faut malgré tout pas oublier que, comme dans les autres cités, elles n’avaient aucun rôle politique, et surtout pas le droit de vote.

Les mythes vus du point de vue masculin sont très différents et souvent bien moins glorieux lorsqu’on les aborde du côté féminin, par exemple avec la thèse de l’enlèvement à la place du départ volontaire : il est en effet inconcevable pour le roi Ménélas que sa femme soit partie consciemment avec un autre homme, cela blesse son ego.


Claire Heywood aborde aussi un sujet encore aujourd’hui tabou : la première fois. Une scène nous présente ainsi la consommation du mariage d’Hélène et de Ménélas : évènement traumatisant pour la jeune fille qui ne savait pas en quoi cela consistait, ce qui souligne le manque d’éducation des femmes à l’époque, qui n’ont même pas le droit de connaître leur corps et de savoir de quelle manière il fonctionne ! On constate également ce manque d’éducation lorsqu’Hélène cherche des moyens pour éviter d’avoir un enfant à nouveau – ce qui est, bien entendu, totalement illégal à l’époque –, la personne qui lui fournit des moyens de prévention rudimentaires doit lui expliquer son anatomie et son fonctionnement.


Un message très fort pour les femmes

Dans ce roman, les femmes présentées paraissent d’abord, aux premiers chapitres de la lecture, comme soumises à leur mari. Mais l’on découvre par la suite qu’elles ont une véritable force intérieure, le pouvoir de se rebeller, l’espoir d’une vie meilleure : leur réelle personnalité se révèle. Claire Heywood envoie dans ce sens un message très fort à toutes les femmes : elles peuvent faire ce qu’elles désirent, leur corps leur appartient, elles ne doivent pas être soumises aux hommes !


Critique

Tableau de Galvin Hamilton, The Abduction of Helen, 1784 (Source : pinterest.com)
Tableau de Galvin Hamilton, The Abduction of Helen, 1784 (Source : pinterest.com)

Ce roman est littéralement une pépite ! La manière qu’a l’auteure d’évoquer des thèmes encore tabous de nos jours dans le cadre de la Grèce antique est tout simplement remarquable ! C’est un livre très touchant qui nous fait prendre conscience du sort qui a été réservé aux femmes tout au long de l’histoire : dans l’intrigue, elles ne servent qu’à enfanter, assouvir les désirs sexuels de leurs maris, être totalement soumises – ce qui est clairement un rôle d’objet plutôt que celui d’un véritable être humain.


Claire Heywood a réussi à y placer implicitement la question du consentement de la femme : chacune des protagonistes subit les désirs de son mari, c’est un devoir et non pas un désir, elles n’ont pas le choix, c’est choquant car c’est comme si leurs corps ne leur appartenaient pas mais appartenaient à leurs maris. Elle aborde aussi brièvement le sujet du viol comme crime de guerre.


Mais ce roman est aussi extrêmement intéressant du point de vue historique : l’auteure s’est documentée afin d’atteindre un très bon niveau de fiabilité, notamment au sujet de ce qui est des contraceptifs utilisés par Hélène, même si ceux-ci seraient de nos jours franchement discutables et peu recommandables...


On connaît généralement les personnages mythologiques sous leur nom latin, mais Claire Heywood a fait le choix original d’utiliser l’écriture grecque du nom, parce que c’est celle qui se rapproche le plus de l’alphabet grec. Par exemple pour Clytemnestre, cela donne Klytemnestre en français et Κλυταιμήστρα en grec.

 

Conclusion

Ce roman, conseillé par ma professeure de latin Mme Liebert, a été un véritable plaisir à lire : je vous le conseille vivement !


Si vous souhaitez regarder ou lire des œuvres sur la guerre de Troie, je vous conseille également :
La Guerre de Troie, film réalisé par Giorgio Ferroni, sorti en 1961 ;
• Troie, film réalisé par Wolfgang Petersen avec Brad Pitt au casting, sorti en 2004 ;
• L’Iliade et l’Odyssée, poème du poète antique Homère ;
• L’Ombre de Persée, nouveau roman de Claire Heywood sorti en 2024, qui réécrit le mythe de Persée sous l’angle des femmes qui le connaissent.
Le média lycéen de Beaupré et d'ailleurs

Amalthée

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