On a vu « La zone d’intérêt »
Film qui vous donnera des frissons, La zone d’intérêt (2023) est un film réalisé par Jonathan Glazer qui s’est lui-même inspiré du roman de Martin Amis, sorti en janvier 2015. On y suit la vie quotidienne du commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, avec sa femme Hedwig et leurs enfants, dans une maison avec jardin accolée au camp.
Dans ce film, le réalisateur a pris le parti de privilégier le son plutôt que les images, donc on ne voit jamais l’intérieur du camp mais on entend les sons qui en proviennent. J. Glazer a pris la décision de ne rien montrer des camps car comme vous le savez peut-être, la question de montrer la Shoah est très controversée et critiquée. C’est surtout le réalisateur du film Shoah, Claude Lanzmann, qui remet en question le fait de montrer ou non l’horreur de la déportation et de l’extermination. Pour Lanzmann, il ne faut pas la montrer car ce serait en faire de la fiction, et pour lui, on ne peut pas inventer des choses sur un sujet aussi grave que la Shoah. C’est pour cela que dans son film, il a pris la décision de n’y mettre que des témoignages et des photos du camp d’Auschwitz prises à son époque. Les films sur la Shoah sont très critiqués par C. Lanzmann, car ils ne peuvent pas respecter ce qu’il s’est vraiment passé puisqu’on n’a pas d’images, ni de vidéos des chambres à gaz. Mais depuis 2015, on constate une rupture avec ces films qui ne respectent pas les événements, puisqu’il y a eu le film Le fils de Saul de Lazlo Nemes sorti en 2015, dans lequel on rentre dans le camp mais où l’arrière-plan est toujours flou : on ne voit jamais ce qu’il se passe, dans le camp tout est suggéré.
Dans La zone d’intérêt on va suivre le quotidien de la famille de Rudolf Höss, interprété par l’acteur Christian Friedel et de sa femme Hedwig, interprétée par l’actrice Sandra Hüler, qui vivent dans la zone d’intérêt du camp d'Auschwitz d’où le nom donné au film. C’est justement le quotidien de la famille qui nous donne des frissons et nous gêne car en apparence c’est une famille tout qu’il y a de plus ordinaire. Ils s’amusent ensemble, le père lit des histoires à ses enfants et ils font tout ce qu’une famille normale fait. Ils sont dans le déni ou l’indifférence de ce qui se passe à côté de chez eux. En réalité, tout le long du film, les bruits et les images nous rappellent constamment l’horreur voisine, comme à un moment dans le film où on voit le jardinier verser sur les fleurs des cendres qui servent d'engrais, qui sont bien entendu les cendres des juifs brulés. Ou encore, la mère de famille rappelant à sa domestique juive qu’elle a le pouvoir de la réduire en cendres si elle n’obéit pas. Sous l’apparente normalité, on réalise qu’ils sont des monstres car ils tuent les juifs et les torturent sans que cela ne gène leur vie domestique paisible.
Ici on se retrouve en face de la banalité du mal qui nous glace le sang parce qu’on pourrait se dire que ça aurait pu être nous à leur place. C’est d’ailleurs pour cela que les acteurs ont décrit le lieu de tournage comme « malaisant », car c’est un lieu chargé d’histoires horribles et comme ils sont tous allemands, ils ont pensé que ça aurait pu être leurs grands-parents à la place de cette famille. A la fin du film, on retrouve cette banalité et cette indifférence face à l’horreur : on voit cette fois l’intérieur du camp mais de nos jours et les femmes de ménage qui nettoient sans aucune émotion les vitres où se trouvent les vêtements et chaussures des déportés. Pour elles, c’est devenu banal, alors que chez nous ça provoque une grande tristesse.
Une partie de l'énorme tas de chaussures et bottes qui ont été confisqués par les milliers de prisonniers par les nazis au camp de concentration d'Auschwitz (source)
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