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Océane Albaut

The Queen’s Gambit : quand une femme conquiert le monde (des échecs)


The Queen’s Gambit (Le Jeu de la Dame en VF) est une mini-série américaine composée de 7 épisodes et produite par Netflix. Elle est adaptée du roman éponyme de Walter Tevis paru en 1983. Sortie en octobre dernier, elle a très vite suscité l’intérêt des utilisateurs de la plate-forme de streaming. En effet, elle a été vue par 62 millions de comptes dans les 28 jours suivant sa mise en ligne, faisant d’elle la mini-série la plus regardée de l’histoire de Netflix. Elle s’est aussi hissée dans le top 10 de 92 pays, y occupant souvent la première place. En France, elle y est restée près de 95 jours d’affilée.

 

The Queen’s Gambit, qui se déroule en pleine Guerre froide, raconte l’histoire de Beth Harmon. Après la mort de sa mère, alors qu’elle est âgée de 8 ans, Beth est placée dans un orphelinat. M. Shaibel, le concierge de l’établissement, l’initie aux échecs. Beth se révèle être une véritable prodige, et on suivra au fil des épisodes son ascension dans le monde des échecs, dominé par les hommes. De plus, Beth ne devra pas seulement se battre contre ses adversaires masculins, mais aussi contre elle-même, son passé et ses addictions à l’alcool et au librium, un anxiolytique qui lui était distribué quotidiennement à l’orphelinat.


Les femmes à l’honneur

Pour écrire son roman, Walter Tevis s’est inspiré de sa propre expérience en tant que joueur d’échecs, mais aussi de ses addictions. L’histoire de Beth, qui s’impose dans un monde presque exclusivement masculin, fait tout de même écho à des joueuses d’échecs. On peut notamment citer Judit Polgár, joueuse hongroise. Comme Beth, elle commence à jouer aux échecs très jeune, à l’âge de 3 ans. À 8 ans, elle devient championne du monde mixte des moins de 12 ans. À 15 ans, elle devient le plus jeune « grand maître international » et ne jouera plus que contre des hommes. Les femmes sont en effet sous-représentées dans le monde des échecs, elles se voient obligées de faire leurs preuves pour être prises au sérieux, et doivent essuyer de nombreuses remarques sexistes. Ainsi, Judit Polgár a expliqué que Garry Kasparov, joueur russe – qui a d’ailleurs été consultant pour la série, afin de s’assurer que les parties étaient crédibles et réalistes – avait jugé impossible qu’elle puisse le battre, car étant une femme. C’est pourtant ce qui se produisit quelques années plus tard, en 2002.

Cela montre bien que les femmes sont, au même titre que les hommes, capables de s’imposer dans cette discipline. On peut alors espérer voir le pourcentage de joueuses féminines en France et dans le monde évoluer, puisqu’on compte seulement 15% de femmes parmi les joueurs d’échecs, en France ou aux États-Unis.


Le contexte historique

La série se déroule en pleine Guerre froide, dans les années 1950 et 1960. L’occasion de nous rappeler que l’échiquier a joué un rôle dans cette dernière. Dans la série, Beth sera amenée à affronter un grand maître d’échecs soviétique, Vasily Borgov, lors d’un championnat du monde se déroulant en URSS. On sent alors que la tension est palpable, et qu’il y a un véritable enjeu, Beth étant même accompagnée d’un agent des services de renseignement américain.

Cette partie d’échecs ne sera pas sans rappeler le match ayant opposé le champion soviétique Boris Spassky à l’américain Bobby Fischer, en 1972 en Islande. Les échecs apparaissaient comme un moyen pour les soviétiques d’affirmer leur supériorité intellectuelle. En effet, depuis 1948, les champions étaient exclusivement soviétiques, et aucun joueur d’une autre nationalité n’avait participé à une finale. Cependant, c’est Bobby Fischer qui ressort gagnant au bout de 21 parties, faisant de ce match un symbole de cette période de détente entre l'URSS et les États-Unis.


Titre, costumes et esthétique

En version originale, le titre évoque une ouverture aux échecs, le « Gambit Dame ». En version française, le titre est moins révélateur. En effet, la dame peut évoquer la pièce du jeu, mais peut tout aussi bien évoquer Beth, qu’on verra évoluer en tant que joueuse, mais aussi et surtout en tant que femme.

La série est agréable à regarder, de part les costumes et les décors. On se retrouve complètement plongé dans les années 50 et 60 et l’ambiance rétro. Les costumes, en particulier ceux d’Anya Taylor-Joy qui interprète Beth, en plus de regorger de messages cachés, sont magnifiques. Il n’est donc pas étonnant de voir que les motifs à carreaux sont omniprésents, rappelant l’échiquier. La dernière tenue que porte Beth dans la série rappelle quant à elle la reine. Ces tenues seront un moyen pour Beth de s’affirmer.


L’impact de la série

La série a eu un réel impact sur l’intérêt porté aux échecs, les remettant au goût du jour. Ainsi, la recherche « jeu d’échecs » a connu une hausse de 273% dans les 10 jours suivant la sortie de la série, soit une recherche toutes les 6 secondes. Les ventes de jeux ont explosé un peu partout dans le monde, de 125% aux États-Unis dans les semaines qui suivirent la diffusion, et de 215% sur eBay. C’est le cas aussi des livres sur l’univers des échecs, qui ont connu un sursaut d’achat de 603%. La plateforme d’échecs en ligne Chess.com a quant à elle vu son nombre de joueurs augmenter de 2,35 millions, et elle compte désormais 15 fois plus de femmes. Le livre ayant inspiré la série est devenu un best-seller du New York Times, 37 ans après sa sortie. Enfin, un match entre les grands maîtres Magnus Carlsen et Maxim Vachier-Lagrave le 6 décembre dernier sur la plateforme Twitch a attiré près de 70000 visiteurs, soit l’équivalent en terme de places du Stade Vélodrome d’Athènes, ou celui de Rome.

Il ne reste plus qu’à espérer que la série ait suscité des vocations chez les jeunes filles et femmes, afin de combattre le sexisme qui perdure encore aujourd’hui dans le milieu des échecs.Toujours est-il que les échecs semblent avoir encore de beaux jours devant eux.

Images crédits : Netflix

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